Le paysage du règlement des différends au Japon est presque méconnaissable par rapport à la situation d’il y a 20 ans. Au cours de cette période, le Japon est devenu un marché important pour les affaires juridiques contentieuses transfrontalières. Les sociétés japonaises sophistiquées ayant d’importantes activités à l’étranger sont à l’aise avec l’arbitrage international et la médiation comme méthodes de règlement des différends. 86 % de la charge de travail de la Japan Commercial Arbitration Association (JCAA) de 2017 à 2021 concernaient des cas internationaux, bien que le nombre global de cas soit resté largement stable en 2020 et 2021 avec une moyenne d’environ 17 cas par an. Le HKIAC et le SIAC restent des institutions populaires dans la région pour les parties japonaises afin de résoudre leurs différends avec des rapports annuels récents montrant une augmentation des affaires impliquant des parties japonaises.
Certains de ces changements incluent la mise à jour par la JCAA de ses règles institutionnelles et autres pratiques, le lancement réussi du Centre japonais de règlement des différends internationaux (« JIDRC« ) et l’ouverture du Centre international de médiation du Japon à Kyoto. Cependant, d’autres changements sont encore à l’horizon, notamment des modifications importantes du cadre législatif japonais régissant les arbitrages siégeant au Japon ainsi que la législation visant à promouvoir l’attractivité du Japon en tant que centre de médiation.
Modifications à venir du cadre législatif de l’arbitrage au Japon
Fin octobre 2021, le Conseil législatif du ministère japonais de la Justice a présenté ses propositions visant à modifier la loi japonaise sur l’arbitrage (loi n ° 138 de 2003) (la « Loi sur l’arbitrage« ). Les propositions reflètent largement l’intégration dans le droit japonais des dispositions de la Loi type de la CNUDCI de 2006.
mesures provisoires
Les modifications proposées comprennent :
- clarifier les types de mesures provisoires qui peuvent être accordées par les tribunaux, y compris, en particulier, les ordonnances de maintien ou de restauration du Status Quo de l’objet du litige (telles que les ordonnances de blocage), les ordonnances de conservation des biens nécessaires à l’exécution d’une sentence arbitrale et les ordonnances de conservation des preuves ;
- les exigences que les tribunaux peuvent imposer avant d’accorder des mesures provisoires telles que la fourniture d’une garantie ;
- la levée ou la modification des mesures provisoires ; autre
- l’exécution par les tribunaux japonais des mesures provisoires accordées par les tribunaux arbitraux et la limitation des motifs de refus d’exécution.
En outre, les propositions du ministère de la Justice incluent l’habilitation du tribunal japonais à ordonner le paiement d’une amende lorsqu’une partie enfreint une injonction d’interdiction provisoire accordée par un tribunal. Cette disposition est particulièrement remarquable pour deux raisons. Premièrement, un tel pouvoir va au-delà du contenu de la Loi type de la CNUDCI de 2006. Deuxièmement, il s’agit d’un changement important compte tenu de l’absence d’un pouvoir équivalent lorsqu’une partie ignore une injonction d’interdiction provisoire accordée par les tribunaux japonais.
Les propositions ne s’étendent pas au caractère exécutoire des mesures provisoires accordées par un arbitre d’urgence. Cela reflète à la fois la position en vertu de la Loi type de la CNUDCI de 2006, qui ne traite pas non plus cette question, et certaines préoccupations quant à savoir si l’exécution de ces mesures provisoires devrait être accordée avant que le tribunal n’ait eu la possibilité de les examiner.
La clarté apportée par les modifications proposées est largement bienvenue car elles alignent le cadre législatif japonais sur celui existant dans d’autres grands centres d’arbitrage international de la région, notamment Singapour et Hong Kong.
Modifications administratives proposées à la Loi sur l’arbitrage
Un certain nombre d’autres propositions visent à alléger les charges administratives ou autres pesant sur les utilisateurs de l’arbitrage conformément à la pratique moderne, telles que :
- étendre la compétence du tribunal de district de Tokyo et du tribunal de district d’Osaka pour connaître des affaires liées à l’arbitrage. Actuellement, les procédures liées à l’arbitrage doivent être intentées devant (i) le tribunal de district désigné par les parties, (ii) le tribunal de district ayant juridiction sur le siège de l’arbitrage, ou (iii) le tribunal de district ayant juridiction sur la contrepartie. Le ministère de la Justice souhaitait faire des propositions pour répondre aux circonstances dans lesquelles la détermination du tribunal de district compétent peut ne pas être simple, par exemple si les parties n’ont pas spécifié une ville au Japon comme siège et qu’aucune d’elles n’était une entité japonaise. Le changement devrait également contribuer à accroître l’expertise dans le traitement des affaires liées à l’arbitrage dans ces deux tribunaux de district ;
- dispense de l’obligation de fournir des traductions en japonais de tout ou partie des éléments de preuve dans les affaires liées à l’arbitrage. Certaines parties non japonaises ont hésité à accepter des arbitrages au Japon au cas où elles auraient besoin de s’engager auprès des tribunaux japonais et d’engager les frais de traduction de longs documents de l’anglais vers le japonais, tels que la sentence ou des contrats clés. Les propositions contribueront à réduire ces coûts pour les parties internationales envisageant des arbitrages siégeant au Japon en permettant aux tribunaux de se passer de la traduction de tout ou partie des documents lorsqu’ils le jugent approprié après avoir entendu les observations des parties ; autre
- Les parties à des accords oraux ou d’autres types d’accords moins formels pourront également soumettre plus facilement les différends à l’arbitrage. Actuellement, l’article 13(2) de la loi sur l’arbitrage prescrit le format d’une convention d’arbitrage écrite. Les modifications proposées signifieront que la loi sur l’arbitrage reflétera l’article 7(3) de la loi type de la CNUDCI de 2006 en ce sens qu’une convention d’arbitrage est réputée être écrite si son contenu est enregistré sous quelque forme que ce soit, que la convention ou le contrat d’arbitrage a été conclu oralement, par la conduite ou par d’autres moyens. Ces changements seront bien accueillis par les entreprises où les contrats sont souvent conclus oralement, comme dans les opérations de sauvetage de navires.
Autres modifications proposées pour renforcer le Japon en tant que destination de médiation internationale
Le 4 février 2022, le Conseil législatif du ministère japonais de la Justice a publié des propositions législatives pour l’applicabilité des accords de règlement découlant de médiations, qu’elles soient nationales ou transfrontalières. Les propositions comprennent des amendements à la loi sur la promotion de l’utilisation des modes alternatifs de résolution des conflits (loi n° 151 du 1er décembre 2004) (la «Loi ADR« ) qui s’applique aux médiations internes, tandis qu’une nouvelle loi est proposée pour celles issues de la médiation internationale.
Le Japon n’est pas encore signataire de la Convention de Singapour sur la médiation, mais il a examiné si la signature de celle-ci nécessiterait des modifications de la législation nationale. Les nouvelles propositions législatives ont été faites dans ce contexte en vue de la mise en œuvre future de la Convention de Singapour au Japon. Cette décision est importante compte tenu de la prévalence croissante de la médiation dans la boîte à outils pour le règlement des différends au Japon. D’autres développements importants à cet égard sont le lancement du Centre japonais de médiation internationale à Kyoto (JIMC-Kyoto) en 2018 et la publication par la JCAA de ses propres règles de médiation commerciale en 2020.
Remarques finales
Les modifications proposées à la loi sur l’arbitrage verraient le Japon se joindre aux autres principales juridictions arbitrales de la région pour modifier leur législation afin de se conformer à la loi type de la CNUDCI 2006. La communauté arbitrale au Japon se félicite de ces modifications ainsi que des modifications supplémentaires visant à accroître la l’attractivité du Japon en tant que siège de l’arbitrage international.
On espère que les changements pertinents seront promulgués en 2023.
Le Japon est également susceptible de prendre des mesures pour renforcer sa position de premier centre régional de médiation. Il semble probable que le Japon finira par ratifier la Convention de Singapour après avoir adapté sa législation nationale pour répondre à sa mise en œuvre.
Bien sûr, le paysage du règlement des différends ne reste pas statique. Dès que les propositions discutées dans cet article seront mises en œuvre, le ministère japonais de la Justice devra aborder de nouveaux sujets tels que le cadre juridique du financement par des tiers dans l’arbitrage international ainsi que la question de savoir si des modifications législatives sont nécessaires pour refléter la récente popularité. des dispositions relatives à l’arbitre d’urgence. Néanmoins, cela continue d’être une période passionnante pour la communauté japonaise de l’arbitrage, car elle cherche – bien que quelque peu inquiète – à se tailler une place sur le marché du règlement des différends internationaux en Asie-Pacifique.

